Le royaume des oiseaux, de Marie Gaulis (2016)
Court roman d’une grande délicatesse et doté d’une écriture talentueuse, juste et raffinée, il a trouvé une place méritée sur mon étagère.
L’œuvre n’a pas été aidée d’une exposition médiatique, mais c’est par sa qualité indéniable qu’elle se fera connaitre, je l’espère.
Marie Gaulis se penche avec tendresse sur le passé de ses aïeux, au début du XXème siècle puis vers la seconde guerre mondiale. Sa famille, issue d’un mariage entre une jeune américaine dans l’action, mue par l’esprit d’entreprise et un descendant de l’aristocratie haut-savoyarde, hérite d’un château vers Thonon Les Bains sur le bord du lac Léman.
Ce manoir, solennel, ancien, preuve d’une lignée authentique et respectée, cristallise les tensions, les malentendus, les non-dits. Il faut sans cesse l’entretenir, le préserver du temps, y vivre bon gré mal gré en luttant contre les fissures et les courants d’air.
Les femmes sont instinctivement poussées vers l’action et le monde moderne, coincées dans leur vie au château et condamnées à diriger l’ensemble, tandis que les hommes, inactifs, résilients, préfèrent la compagnie des chiens et des bois.
Marie Gaulis invoque son univers familial qu’elle reconstitue à travers les voix des défunts qui se souviennent encore pour un temps de leur vie terrestre et qu’ils regardent avec quelques regrets.
Si quelques motifs se répètent parfois dans le récit, cette observation ne change rien à la grâce littéraire que ce roman dévoile. Les personnages, pourtant morts depuis longtemps, nous reviennent et font naitre un sentiment familier chez le lecteur. Le travail des personnages est une réussite ! Ils sont profondément humains, réalistes, attendrissants, et leur voix retentissante et charnelle à travers la nuée de la mort. Nous observons avec eux le panorama haut-savoyard qui évolue ou tombe en ruine, nous comprenons mieux leur existence gâchée ou tumultueuse.
Le roman de Marie Gaulis témoigne des existences humaines, en prise avec le déterminisme héréditaire, et géographique. En quelques pages nous aimons ces gens qui nous font oublier qu’ils sont de simples personnages pour devenir les voix du temps.