Monde sans oiseaux, de Karin Serres, une jolie réussite !
C’est au cours du festival du premier roman à Chambéry (édition 2014) que ce petit livre s’est glissé discrètement sous mes yeux.
C’est effectivement un roman original qui entremêle l’existence du personnage avec la vie des villageois isolés dans une petite bourgade lacustre, rurale, élevant des cochons génétiquement modifiés qui nagent et sont fluorescents !Karin Serres imagine un monde ayant subi depuis longtemps la montée des eaux et par conséquent la transformation des paysages et habitats. Mais l’histoire, bien loin de nous raconter l’état de désolation de la Terre et le mythe du Déluge, nous immerge étonnamment dans le quotidien du personnage central, « Petite Boîte d’os », fille du pasteur, jeune enfant devenue femme. Son prénom est bien atypique tout comme l’est l’œuvre d’ensemble !
On découvre donc non sans plaisir un univers truculent, bizarre, et qui peut à certains égards nous toucher. Le lecteur peut avoir l’impression d’entrer dans une microsphère, celle d’un petit village esseulé et d’une intimité féminine, puis finir le roman avec le sentiment d’une bonne surprise littéraire.
C’est un récit tantôt léger tantôt grave, il occulte assez vite la bizarrerie des cochons de dernière génération, dans le lac et rivière alentours !
L’œuvre évoque davantage l’amour, le couple, la mort des proches avec une certaine délicatesse, les thèmes ainsi évoqués peuvent trouver un écho en nous. La réalité et les liens humains se définissent et se découvrent ici avec justesse et vraisemblance ! C’est le nerf du roman.
Pourtant, l’aspect « science-fiction/ anticipation » peut prêter à discussion : quel est réellement son rôle ? Selon moi, le contexte d’un monde transformé, liquide et étrange peut nourrir le récit d’une ambiance feutrée, un peu inquiétante et tout à la fois matricielle, car les morts reposent au fond du lac, apaisés et réunis. Cependant, on n’attendra pas du livre qu’il s’attache à la tradition des histoires de fin du monde ou tout autre ouvrage relatant un bouleversement climatique. C’est bien ce qui, paradoxalement, fait la qualité de notre roman : Karin Serres écrit avec une belle aisance et nous invite à entrer dans la conscience et les émois du personnage féminin, évoquant son enfance, ses amours, sa maternité et sa vieillesse.
En si peu de pages, quel petit monde singulier se crée sous nos yeux !
Premier roman paru en 2013, éditions Stock (C’est un roman « Ca passe ou ça casse !)