Les Noces barbares de Yann Queffélec , le roman dont on ne peut pas sortir indemne !
Ce livre paru en 1985 est une flèche qui percera net les cœurs les plus arides !
Yann Queffélec laisse là une œuvre essentielle sur l’enfance, sur la blessure d’une mère, sur le désamour maternel et le dénuement de son enfant. L’auteur aborde l’enfance anéantie de Ludovic, fruit maudit d’un viol.
L’incipit laisse sans voix, il ne ménage pas le lecteur et les pages qui ouvrent le roman sont comme une gifle, vraiment ! Le talent de Queffélec se traduit dans l’écriture de la violence tout autant que celle de la fragilité.
L’écrivain relate la cassure et la souffrance de Nicole, la jeune mère de Ludovic, irrémédiablement plongée dans la douleur, et les traumatismes insurmontables ne lui permettent pas d’accueillir son fils dans sa vie, de le considérer simplement comme un individu malchanceux et pourtant ayant droit à l’amour.
Le roman repose sur le contraste, que dis-je, le fossé qui sépare l’amour profond et implorant de Ludovic de l’absence d’amour de sa mère Nicole, incapable de le lui donner. La solitude est leur lot commun. Ludovic est en difficulté dès son plus jeune âge et désire ardemment trouver le sein maternel qui lui a fatalement manqué. C’est le personnage le plus touchant que j’ai découvert dans mon expérience de lecture. Le petit garçon veut exister aux yeux de sa mère, il l’approche craintivement comme on s’avance vers l’animal sauvage en espérant l’apprivoiser. Nicole elle-même souhaite que tout s'améliore mais elle est comme morte de l'intérieur. La maternité est sa croix, un châtiment injuste et indicible. Elle ne peut, en le regardant, cesser de se confronter à son viol, le souvenir revient comme un démon et apparente Ludo à cette barbarie.
L’enfant, sans comprendre la situation, développe une très grande sensibilité, et exprime son désarroi à travers des dessins étranges, inquiétants et puissants : ils sont le reflet même du livre, comme une écriture expressionniste, violente, et tout à la fois délicate, magique et sensible.
L’enfance est le monde si particulier sur lequel se penche l’auteur, il entre dans son esprit, dans ses interrogations, son univers fantasque, naïf, à fleur de peau.
Si certains lecteurs plus avertis pourront y entrevoir une réflexion générale et intemporelle à propos de la relation maternelle et des conséquences qu’un lien distendu entre une mère et son enfant peut avoir sur ce dernier, on peut incontestablement y lire une existence hors norme, pathétique et fabuleuse, celle d’un enfant fou d’amour et de douleur, celle de Ludovic.