Une Jolie fille comme ça d’Alfred Hayes, 1958
Publié sous le titre My Face for the World to See, ce roman du britannique Alfred Hayes est reparu en grandes pompes en 2015.
Couverture alléchante, auteur et scénariste de poids, tout y est pour nous prendre au lasso !
Hayes, à travers un personnage de scénariste qui s’inspire sans doute de son expérience dans le monde du cinéma, raconte comment une jeune femme, rêvant d’une carrière à Hollywood entre brutalement dans l’existence de ce petit artisan de la grande industrie, quelque peu commun, qui la sauve d’une tentative de suicide dans l’océan.
L’incipit s’ouvre ainsi par cette scène plutôt bien ficelée et très scénarisée finalement, celle d’un geste désespéré et rendu romanesque par le contact de l’océan sur les beaux mollets de cette pauvre femme totalement ivre. Oui, c’est un beau premier plan de cinéma !
Cette poésie tombe progressivement au fil des pages vers le roman de psychologie car Hayes dévoile la fragilité mentale de cette starlette qui ne nous est jamais présentée sous une identité précise et qu’importe. Nous sommes dans la peau de l’homme qui la sauve et tombe bon gré mal gré dans les filets un peu blessants de cette jolie fille, seule, très seule et désoeuvrée.
C’est un roman sur la folie, sur l’amour qui tourne mal, sur un rêve américain terni et fêlé.
Hayes maitrise la technique du dialogue libre, qui nous perd parfois mais nous fait entendre ses voix désenchantées et faussement d’aplomb. L’auteur montre aussi un Los Angeles troublant, comme une ville sans âme. C’est un univers sec, froid et percutant comme un tableau de Hopper.
Une scène de corrida à laquelle le couple assiste est écrite avec simplicité, froideur et brio. Elle marque la souffrance profonde qui émane de cette jolie fille et l’anime une dernière fois avant que le lecteur la voie sombrer.
Hayes raconte le tourment moral. Mais en réalité, ce qui peut transparaitre, c’est la médiocrité latente du personnage masculin qui parcourt tout le roman en filigrane.
Je suis un peu dubitative dans l’ensemble mais j’avoue que l’œuvre ne nous ménage pas, elle met en scène les violences, l’abandon de l’amour, de la vie, la cassure et le chagrin.
Ce récit est un cri étouffé que le lecteur entendra comme un appel imperceptible dans un désert humain.
http://www.france3.fr/emissions/un-livre-un-jour/diffusions/09-12-2015_439257
http://www.canalplus.fr/c-emissions/c-le-grand-journal/pid7491-augustin-trapenard.html?vid=1337843