La Danse de mort d’August Strindberg, un huis clos sur la rancœur et l’amour
La pièce, parue en 1901, met en scène un couple marié, vivant depuis longtemps dans une forteresse militaire. Le capitaine, Edgar, et sa femme Alice semblent écartés de toute vie sociale tant l’âpreté du capitaine, son intolérance, semble forte à l’encontre des autres. Quant à leur relation, elle n’est guère meilleure : mariés depuis vingt cinq ans, ils gardent en eux le souvenir réel ou construit de leurs bassesses respectives. Alice, ancienne jeune comédienne de théâtre, se reproche cette union et cette vie terne et misérable à laquelle son époux l’a réduite. Mais le capitaine n’est pas en reste d’amertume à l’égard de sa femme.
Cette cohabitation et cette confrontation des deux personnages sont au cœur de la pièce, et emportent le spectateur dans un tourbillon de haine, de non-dit, de désillusion amoureuse, mais surtout dans un questionnement sur la complexité psychologique de chaque personnage, sans oublier Kurt, cousin d’Alice et ami d’enfance d’ Edgar. Kurt cristallise, par son arrivée chez le couple, une volonté commune d’en découdre et de suivre le chemin de la détestation et de la vengeance. C’est à travers lui que les époux vont laisser libre cours à la méchanceté, ou plutôt à la vérité crue d’un mariage infernal.
La pièce tranche par un dialogue-pugilat sans répit, rien n’atténue l’impression constante d’une lassitude conjugale, et la tempête qui se déchaîne à l’arrière-scène ne fait qu’aiguiser l’intensité de la joute verbale.
Mais la pièce n’est pas seulement le miroir de la déchéance en train de s’accomplir, elle garde sa part d’énigme car ses personnages ne semblent pas seulement unis dans la haine. Ils donnent parfois l’impression qu’un sentiment plus fort les dépasse, de nombreuses contradictions surgissent quant au caractère de capitaine, d’Alice, de Kurt et aux événements de l’intrigue.
Le public peut ainsi assister au spectacle tragique d’un mariage sans issue. Le dénouement reste cependant plus inattendu et tout à la fois réaliste : le couple qui se déchire reste un couple. Strindberg semble ici questionner la nature du mariage, l’essence de l’amour, les bouleversements de la mort, et les choix d’une existence. C’est à chacun d’en tirer des leçons, si cette pièce n’en donne pas.
On ne peut s’empêcher de songer au Huis-clos de Sartre, dans l’enfer d’un purgatoire pourtant confortable, tout comme dans la pièce de Strindberg, et dans laquelle il est aussi question de l’enfer et de l’au-delà. Trois personnages, trois relations, trois mises à l’épreuve, trois procès. Les deux pièces fonctionnent sur ce jeu de mensonge, d’aveu et de violence.
La pièce me rappelle fortement Qui a peur de Virginia Woolf, pièce d’Edward Albee, entre amour et détestation. Les similitudes sont manifestes ! Aussi le film de Mike Nichols ( 1966) me paraît approprié pour illustrer ce billet !