Hilda de Marie Ndiaye : pièce fulgurante sur le vide existentiel (1999).
Hilda, c’est une femme de milieu modeste, mariée, deux enfants. Hilda est le personnage éponyme mais Hilda, dans cette pièce de théâtre, est la grande absente : elle est au cœur des dialogues mais jamais elle n’apparaitra sur scène.
Cette alliance entre l’omniprésent et l’absent est le cœur-même du sujet : elle symbolise l’omniprésence de Mme Lemarchand, riche bourgeoise qui entend engager Hilda à son service et s’en entretient avec le mari d’Hilda. Mme Lemarchand est une femme qui possède tout, qui se pense et se proclame femme de gauche, humaniste et généreuse. Mais Mme Lemarchand est vide, désespérément vide d’amour, vide de féminité, vide de tout, elle qui n’aime pas ses enfants et veut alors Hilda, qu’elle réclame à corps et à cris parce qu’elle s’appelle Hilda et que celle-ci est belle, Mme Lemarchand la veut comme l’objet le plus désirable. Malsain…
Mais Hilda n’est qu’un objet. Et aux yeux de tous, Hilda est engouffrée, dévorée par sa maîtresse et délaissée chez elle.
La pièce, n’en doutons pas, est faite d’une remarquable cadence, tissée par un fil toujours très tendu, énergique, comme dans l’urgence, en miroir au désir oppressant des protagonistes de trouver en Hilda un étai psychologique qui révèle en tout les névroses et les désespoirs des personnages qui s’entretiennent à son propos.
Pièce jouissive et carrément moderne même si elle est, selon certains, une satire visant un autre auteur auquel Marie Ndiaye tire ici une flèche. Laissons-là ces attaques littéraires car elles masquent la portée plus générale de la pièce dans laquelle se profile sans doute l’illustration de certains fantasmes et de certaines souffrances qui écrasent l’autre.