Le Noeud de vipères, de François Mauriac, un beau roman sur la solitude, l'argent, et la famille! (pour moi, un chef- d'oeuvre)
Mauriac semble avoir une certaine prédilection pour les personnages déçus ou dépossédés de leur existence.
Dans ce roman, Louis, homme vieillissant, raconte son parcours ainsi que son environnement marital et familial, il décrit alors ce cheminement avec pessimisme et amertume.
Il voit autour de lui une femme et des enfants devenus adultes revêtir un masque de bonté et d'honnêteté alors même que Louis, patriarche et narrateur du récit, voit en eux des opportunistes, prêts à tout pour recevoir son héritage et se le disputer le cas échéant.
Nous sentons à quel point la souffrance et la déception de cet homme à l'égard de tous ses proches le rongent, il a ainsi l'amer sentiment d'une vie bâtie sur l'erreur et l'incapacité de la maîtriser selon son envie profonde. Louis songe dès lors à prendre toutes les dispositions pour que son argent, amassé par ses efforts et une avarice certaine, ne soit pas dilapidé ni même reçu par ses enfants.
L'oeuvre de Mauriac (pas longue) montre bien de quelle façon un homme peut tourner moralement le dos à son entourage s'il se sent désaimé et trahi. L'auteur réussit à construire une histoire fondée sur le principe du décalage, du double car le lecteur peut voir en Louis un homme émouvant, aimant et dépité, pourtant perçu comme indifférent et cruel par sa famille. La subjectivité du personnage, par le point de vue interne, met en valeur le double visage de Louis, entre cruauté et indignation. C'est ce qui, en partie, fait de ce roman une belle réussite et le classe haut la main dans la tradition du roman psychologique.
J'ajoute que l'écriture est un atout non négligeable. Si la renommée de Mauriac n'est pas à présenter (ni son célèbre roman Thérèse Desqueyroux), c'est avant tout parce que son style retrace à merveille l'état psychologique des personnages tourmentés, à l'écart de la vie qu'ils rêvent.
Mauriac, à propos de Louis nous avertit: "Cet ennemi des siens, ce coeur dévoré par la haine et par l'avarice, je veux qu'en dépit de sa bassesse, vous le preniez en pitié; je veux qu'il intéresse votre coeur [...]"
Bon plan romanesque!
P.S de prof: Mauriac, dans le titre du roman, cite Baudelaire qui écrit :«Ah ! que n'ai-je mis bas tout un nœud de vipères,/ Plutôt que de nourrir cette dérision !» [dans le premier poème des Fleurs du mal, ‘’Bénédiction’’]
C'est sûrement ce que ressent Louis (il a les boules, et serait un bon patient pour Freud)
Le Noeud de vipères, paru en 1932