Demian, d’Hermann Hesse : très beau récit initiatique du cheminement intérieur!
Ce roman, Carl Gustav Jung aurait pu l’écrire ! Et ce n’est pas un hasard si au cours de cette lecture nous pouvons reconnaitre la vision que ce psychanalyste et disciple freudien porte sur le monde : Hermann Hesse suivait une analyse avec l’un des praticiens jungiens au cours de la rédaction de ce roman très puissant. Hesse sera aussi amené à suivre Jung en séance.
Il est certain que pour rencontrer, percer le sens mystérieux de cette œuvre romanesque, il faut avoir à l’esprit que Hesse, à sa façon, à la façon d’un écrivain, transpose les théories de Jung sur l’inconscient collectif, c’est-à-dire l’idée que nos images inconscientes sont aussi le fruit de toutes civilisations confondues ou presque et que nous rencontrons dans nos rêves les archétypes communs à de nombreuses cultures millénaires. C’est pourquoi la question des symboles est fondamentale et au cœur du roman bien sûr !
Mais si ce que vous lisez jusqu’ici vous paraît indigeste ou soporifique – mais je prie pour que ce ne soit pas votre impression - le roman a au contraire une force narrative qui ne permet ni l’ennui ni l’incompréhension, celle de rendre claire et intelligible la trajectoire que tout individu doit prendre afin de devenir lui-même.
Hesse relate les enjeux pour chacun de passer de l’état d’ignorance sociale, de suivre les idéaux et les attendes d’autrui et de la société, à l’état d’homme entendu comme le cheminement vers soi-même sans tenir compte de l’extérieur. Il est très difficile d’atteindre son Moi, sa vérité intérieure sans être mis en doute ou recadré par le jugement extérieur ou les pressions sociales ! L’acte d’être un homme, et Hesse le montre bien à travers ce récit, est un combat, une évolution et une prise de conscience qui nécessite de mettre à mal tout ce que l ‘on croit, ce que l’on entend ou ce qui nous prédestine.
Le roman, allégorique, retrace l’initiation d’Emile Sinclair, enfant bourgeois, qui pressent l’existence de deux mondes distincts : le monde lumineux qu’est ce lui des parents, comme un nid bienveillant où règne l’ordre et l’innocence, et d’un autre côté, tout ce qui est en dehors : le monde des ténèbres, des interdits, du défendu, du péché.
Sinclair découvrira que Dieu et Satan ne font qu’un : ce qui est mauvais fait partie de nous et tout aussi sacré et tout aussi nécessaire à la construction et à la sagesse de l’Homme.
C’est un roman agréable, très fluide. Le récit intrinsèque est à la portée de tous, mais il faut aussi le comprendre à la lumière des expériences et des recherches psychanalytiques et ethnologiques proposées par Jung et dont ce roman est une sorte de transcription littéraire.
Aussi, pas d’inquiétude, vous serez certainement séduits par l’art narratif que nous offre et nous donne à lire cet auteur magistral, qui vous invite à percer les mystères de la destinée et de l’inconscient humain à travers un apologue romanesque remarquable et talentueux à souhait !
Courez, courez vers le roman… et peut-être un peu vers vous-même, mais c’est plus ardu j’en conviens !
Demian, 1919