La lettre écarlate de Nathaniel Hawthorne, rubis de la littérature américaine
Nous voici au XVIIème siècle, dans l'univers des colons américains qui tentent avec conviction d'établir sur les côtes de Salem une communauté très pieuse, pure, dont le souci primordial est de respecter et de faire respecter les préceptes religieux à tous les habitants, venus d'Europe pour bâtir une cité sans faille et ignorante du péché.
Mais dans le mirage de cette utopie communautaire, étouffante et oppressante par sa rigidité, l'auteur laisse entrer, dans le premier chapitre, la jeune femme Hester Prynne qui, dès les premières pages, montre malgré elle, dans la position fâcheuse dans laquelle elle s'est mise (mais surtout par le fanatisme puritain de la population et de ses dirigeants), combien cet idéal de droiture et de pureté meurtrit les passions humaines, entrave toute liberté ou sentiment jugés très vite comme subversifs.
En effet, Hester Prynne se présente sur l'échafaud, non pour y être pendue mais condamnée à porter, à la face de tous et cousu à sa robe, un A majuscule, à la couleur rouge écarlate. Et pourquoi cette lettre cousue lui ferait-elle du tort? Elle est en fait la marque de l'adultère: Hester est enceinte, mais pas de son mari.... Ce dernier devait la rejoindre, mais on le croit mort en mer durant son trajet pour trouver l'Amérique et son épouse, embarquée avant lui...Ainsi, par cet accessoire de honte, Hester devra restée marquée publiquement de ses actes et de son péché charnel. Hester ne se laisse pas aller et devient au fil des ans, par tous ses efforts, une femme plutôt respectable et charitable, mais sans faire oublier totalement cet épisode scandaleux (dit-on) de sa vie.
La beauté du livre ne tient pas réellement aux actions (il n'y en a que peu, à vrai dire...) mais à la plongée dans le coeur humain, ses tourments, ses conflits intimes et son opposition farouche à une vérité qu'un groupe, qu'une communauté veut imposer.
Le roman montre à quel point l'amour et les pulsions sont pathétiquement humains, ils ne peuvent pas obéir aux injonctions de la société, ne peuvent pas souffrir les interdits moraux et religieux. Et pour cause... Le père de l'enfant adultérin d'Hester n'est autre que l'un des plus éminents représentants de la loi religieuse au sein du village (les habitants ne le savent pas!)... Tous veulent savoir qui est le père de l'enfant, mais Hester, sur l'échafaud, refuse d'en donner le nom et accepte un séjour en prison contre son précieux secret.
Toute l'oeuvre nous raconte avec poésie (on peut même dire une prose poétique!) des existences entachées par la honte, des personnages riches et complexes, comme le personnage du pasteur, rongé par la culpabilité et par son amour de Dieu. C'est en ce personnage que l'émotion converge car il subit l' impossibilité de vivre en parfait modèle de vertu, il est pris au piège de sa propre foi, il s'oblige à vivre dans le mensonge tout en ayant une conscience aigue de sa faiblesse, de sa condition humaine.
L'écriture nous embarque avec efficacité au sein-même du non-dit, de la souffrance et des forces vives de la nature païenne, symbolisées par la petite Pearl, l'enfant qui naît de cet adultère publiquement condamné.
Je recommande vivement ce roman, paru en 1850, pour la finesse du récit et son écriture ciselée, comme un travail d'orfèvre. C'est inratable!