Relecture d’une pépite de Jean Giono : Regain (1930)
Regain appartient à la trilogie de Pan, figure tutélaire des bergers, force divine, celle de la Nature. Mythologie ancienne, restituée de manière subtile à travers certaines œuvres de Giono afin de rappeler les caprices et la beauté du temps, des paysages provençaux, des saisons, des bêtes.
Regain est un roman sensuel et sensoriel, dans lequel l’homme, le paysan, entretient un lien étroit avec la nature, avec la terre. Le village abandonné d’Aubignane, vers Banon, va renaitre de ses cendres, les ruines et la terre éteinte vont trouver un nouveau souffle grâce aux mains généreuses et rudes de Panturle, homme chasseur, homme seul mais bientôt enfantant la vie, sous toutes ses formes.
Les images poétiques qui personnifient les éléments dévoilent la magie des lieux, leur force, leur humeur, leur rudesse; Giono, par un usage habile et sensible du vocabulaire des sens, fait de son oeuvre un roman terrien qui nous fait voir et sentir le vent, qui nout fait toucher la peau d'une femme, d'un homme, la croûte du pain, le pelage de la bête, mais surtout la terre. Toutes les couleurs, les formes et les mouvements s'unissent sous la plume de Giono pour révéler la force lumineuse du monde et de la vie.
La narration est d’une grande beauté, pourtant très argotique et orale. Le style de Giono rappelle à la fois les mœurs des paysans de Provence mais aussi la puissance poétique de la Terre, celle que les paysans n’expriment pas mais qu’ils sentent, qu’ils éprouvent. Regain est le roman de la force de vivre à travers la présence discrète du panthéisme (l’étymologie vient de Pan, le grand tout, l’ordre cosmique). Mais surtout, Giono montre que l'homme qui travaille la terre et fait renaitre le blé envisage un avenir nouveau, et cultive pour perpétuer la vie, l’amour, l’enfant, le grain. Regain est un titre très symbolique: un mot qui désigne la pousse nouvelle des blés fauchés; après les moissons, ils repartent de plus bel, comme une promesse, mais fragile.
Un roman d’une grande beauté, un hommage à la Terre, à la culture, à la Provence. Il est incontournable, émouvant, d’une finesse remarquable.