Mon chien Stupide, de John Fante (1985).
Le roman, assez court, appartient au cycle Molise, nom du personnage et patriarche de l’oeuvre dont je vous parle. John Fante, selon les sources que j’ai pu lire, serait aussi un romancier de la Beat generation, admiré par Charles Bukowski. Américain, fils d’immigrés italiens, il profite tant bien que mal d’une carrière d’écrivain et de scénariste en Californie, ce qui sert également d’identité sociale au personnage d’Henry Molise, celui-là même qui partage son expérience dans Mon chien Stupide.
Si le titre à première vue évoque un roman léger, au ton drôlatique, le contenu du roman ne répond pas réellement à cette impression. On trouvera bien quelques scènes plaisantes, très rythmées et proches d’un registre comique, mais l’œuvre reste, y compris dans ces scènes là, une peinture cynique et pathétique d’une famille malmenée à l’intérieur d’elle-même, avec en tête un père sans réel affect, plus proche des chiens qui l’ont accompagné dans le passé que de ses enfants.
Le récit déroule les événements sous le point de vue du père qui exprime son amertume, ses liens avec son épouse et ses quatre enfants, ses erreurs et ses coups de sang. Le lecteur ne verra tout d’abord qu’une facette de la famille, dépeinte par Henry Molise. Mais John Fante laisse aussi entrevoir le chagrin et les reproches des autres membres du foyer, pourtant à travers le filtre subjectif et heurté du père.
Le titre évoque aussi le personnage du chien, faisant irruption dans la vie et la maison familiale. Un chien d’une race étonnante, une bête encombrante, massive, au caractère tantôt conciliant, tantôt dominateur et pulsionnel. Mal admis dans les lieux, il sera l’objet des discordes et en même temps reflet des personnages qu’il participe à révéler dans les réactions qu’il suscite.
Plus que Stupide (car la famille le baptise ainsi), il est miroir des liens fragiles, tendus de ces personnages.
C’est une œuvre au style souple dont le ton reste, même dans la fantaisie, âpre comme une vie ratée mais confortable : celle du père et de ses enfants. Il s’agit bien d’un roman à la fois écorché et tendre, un roman pour adulte, en somme.