Clair de femme, roman de Romain Gary (1977) : œuvre envoûtante et complexe sur l’amour perdu.
Michel heurte maladroitement Lydia dans la rue. En l’aidant à ramasser les objets à terre, Michel l’aborde et ils partent au hasard vers un café proche. Ca commence.
Si cette amorce vous semble banale, quotidienne, elle n’est en rien semblable à la suite du récit qui très vite nous confronte à l’extrême désœuvrement des deux personnages. Ce n’est pas un coup de foudre, c’est la rencontre de deux âmes seules, qui se côtoient et s’aiment dans le chagrin commun, celui de la mort ou de l’accident qui a emporté l’être aimé.
Les deux personnages de Romain Gary se retrouvent dans ce malheur immense, dans ce désert du cœur qui ne s’oublie, pour Michel, qu’à travers l’alcool, la dérision et sa rencontre avec Lydia.
L’étrangeté du roman nait des dialogues poétiques et mystiques, les paroles de Michel et Lydia interrogent la possibilité d’un bonheur après la perte brutale et irrémédiable; leurs mots et leurs ébats sont comme des bouées lancées l’un à l’autre dans son désespoir.
Le roman de Gary, pourtant pathétique par certains aspects, ne dérive jamais vers un ton de sanglot, jamais. C'est un roman pudique. Le chagrin profond et la peur de ne pas en réchapper se disent avec pudeur à travers l’écriture lyrique et paradoxalement rude de Gary.
L’écriture est en effet tranchante par certains égards, ou plutôt, les situations décrites font sentir avec justesse l’état de malaise et la perdition des personnages, mais sans lourdeur. L’oppression n’est pas pour nous. Elle ne se partage qu’entre Lydia et Michel.
Clair de femme est un roman sur l’espoir, l’amour, et si le cynisme n’est pas loin, on s’en échappe car la beauté des personnages et de la vie l’emportent haut la main. La femme, Lydia, est un rayon de lumière traversant la noirceur d’un destin brisé.
Voir aussi l’adaptation de Costa Gavras avec Romy Schneider et Yves Montand
(Attention, si le roman est court, je le conseille aux lecteurs avertis. )