Des fleurs pour Algernon, de David Keyes (1959) : une merveille de sensibilité, une SF pleine de finesse.
Le roman qu’un ami m’a conseillé récemment (merci Nicolas !) est une très belle découverte littéraire : aussi est-ce avec grand plaisir que je vous le présente.
Algernon est une souris de laboratoire sur laquelle des chercheurs travaillent afin de permettre aux humains intellectuellement déficients d’accéder à une intelligence développée. L’objet du roman, longtemps en gestation, tente de répondre à la question que s’était posée l’auteur : « Que se passerait-il si un être humain arriéré devenait subitement très intelligent » ?
Le romancier part en quête de cette réponse et traduit les méandres de la psychologie par l’usage d’une technique narrative imparable et capable de donner corps, chair et voix au personnage : la forme du journal intime écrit par le cobaye de cette expérience inédite, c’est-à-dire Charlie Gordon.
Ce qui est remarquable dans cette œuvre, c’est qu’à travers les comptes rendus du personnage sur ce qu’il désire, pense ou ressent, nous assistons bien sûr à l’évolution de son intellect mais surtout nous comprenons peu à peu le cadeau empoisonné de ce bénéfice scientifique : les révélations sur la complexité du monde affectif, sur le passé, l’enfance, l’identité, sur la désillusion et l’amertume que le personnage prend de plein fouet.
L’auteur parvient avec brio et simplicité à tendre vers l’universel : il écrit sur la psyché et les tourments de la façon la plus fluide. Le lecteur est en éveil, regarde Charlie Gordon avec compassion et peut se regarder et se comprendre à travers lui. L’expérience de l’intelligence est résolument une fable moderne sur les douleurs qui accompagnent la quête de soi et la prise de conscience parfois amère qui peut se glisser dans l’avènement de l’âge adulte. Le roman traite de science mais au-delà évoque la pénible aventure de l’adulte qui sort de l’ombre et de la naïveté.
A lire absolument !